délivrance ( à la troubaderesse Na Castelloza, 3)
Coule la Desges,
De sa source vers l’Allier.
Nous la remontons,
Gorge sauvage,
Route en lacets tortillés,
Fatras de ronces,
Le fond de vallée,
Cul de sac désert, soudain,
Se met à grimper.
Deux chiens aboient
Férocement contre nous :
C’est donc habité !
Vient un paysan,
Soupçonneux, boiteux, taiseux.
C’est « Délivrance » !
Mon oncle parle,
Ou plutôt parlemente.
Le vieux, renfrogné,
Ne le connaît pas.
N’a jamais pris de taxi.
Mais l’oncle venait !
Pour une dame,
Avec son petit enfant :
A dû bien grandir ?
Le retraité, là,
Se déride enfin : ceux, oui,
De l’autre maison.
L’homme nous mène
Au fond de la basse-cour.
Montre une porte ;
Puis grommèle un peu :
« Vous craignez pas les ronces ? ».
Nous laisse aller seuls
Par une sente,
Bordée d’orties bien fraîches !
Précipice, au fond :
Mieux vaut pas y choir,
La Desges coule sans bruit.
En équilibre
Plus que précaire,
On s’apprête à retourner
Chez le vieux ronchon.
Tout à coup je vois,
Un peu plus bas, sous nos pieds,
Voûte avec pierres.
Na Castelloza
Voilà tout, Na, tout
Ce qu'il reste du château !
Nous marchons sur le
Chemin de ronde.
La maison du paysan
Est sur le castel.
Toutes les pierres
Ont été prises au château.
Enfin… ses ruines.
© Chantal Robillard
Cette suite de trois poèmes, publiée dans le numéro 70 de la Revue alsacienne de littérature, en décembre 2003,
a ensuite été lue en musique, en 2004, dans le cadre du Récital de poésie de Strasbourg (RPS) par Jean-Marie Hummel et Liselotte Hamm, au Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg.